
C'est Monique qui nous a accueillis. Monique, c'est comme si on l'avait toujours connue.
Jean-Jacques, lui, il était dans la cuisine. Il nous attendait de pied ferme.
Malgré ses difficultés à marcher, malgré la fatigue, malgré le froid, il a tenu à nous faire fonctionner son petit cinéma.
On peut dire que c'est un personnage ... Mais il est quand-même né dans la maison de Charles Pathé !
Cela faisait six mois que le Petit Rex était fermé. On est resté un long moment devant la porte. Et puis finalement, la clé du cinéma a été retrouvée.

Quand on a appuyé sur le disjoncteur, les lumières se sont allumées. Une musique nasillarde nous est arrivée du fond …

C'est la caverne d'Ali Baba … Il y a de tout. Mais ce qui m'intéresse surtout, ce sont les projecteurs ... 35, 16, 8 mm …

Même un 28 mm.

Ce 35 est à manivelle. Trouvé sur une brocante à Rennes.

Il y a aussi des caméras, des affiches et des bobines, des bobines, des bobines …

De l'ancien documentaire sur le BCG, à celui sur le minerai de fer en Lorraine … En passant par les actualités de 1960. « Des trésors ! » diront certains. Il y a de tout. Même des petits films qu'il reçoit d'inconnus. Il m'a tendu celui du baptême d'un Christian en 1949.
Jean-Jacques, il avait du mal à bouger ses doigts. J'ai voulu l'aider à rembobiner son film … Mais Jean-Jacques n'a pas voulu. C'est sa passion …
Après quelques vains essais, Jean-Jacques a cédé. Et là, j'ai tripé. Je touchais ma première pelloche 16 mm aux côtés du grand monsieur …

Il faut dire qu'il en a connu du beau monde … De Pierre Tchernia au « P'tit Drucker » comme il dit … Les deux frères Léotard … Il a même été le bassiste de Johnny quand il était encore Jean-Philippe Smet.
Ensemble, on a chargé le petit projecteur 16 mm.
La séance a démarré.

Je n'ai pas regardé le film. Mais les spectateurs. Les babioles. Le projecteur qui tournait. Je l'ai regardé lui, Jean-Jacques. Il était heureux. Il a dit qu'il a tout appris par « l'image ». C'est toute sa vie ...

J'ai cherché d'où venait le son.

Il me l'a dit après : cette boule, c'était l'un des premiers hauts-parleurs stéréo.
Comme à la fin de la séance, Jean-Jacques, il n'avait pas envie de partir, on a trouvé un compromis. On a embarqué des trucs et des machins sur son p'tit scooter. C'est sûr : Monique allait être ravie !
A la maison, Monique nous attendait.
Le salon, c'est elle qui l'a décoré.
Je me demandais si l'affiche de « Jour de fête » accrochée près de la cheminée était récente. Monique a allumée la lumière … Ses bords étaient usés. Elle date de la sortie du film … Je m'en suis émerveillée oralement. Voilà que Jean-Jacques, il a aussi connu Jacques …
Du coup, il s'est mis à raconter, raconter … Ses débuts comme titreur à l'ORTF parce qu'il savait bien dessiner. Son passage comme cadreur puis comme cameraman à TF1 ...
« Au printemps, je reviens et on nettoie tous ces projecteurs. S'il y a des films à monter, je vous les monte. »
Je l'ai vue … La lueur dans ses yeux. J'ai intérêt à tenir parole …
P.S. : Quelques-uns pourraient avoir envie d'aller voir Jean-Jacques. Pour info, en ce moment, il est très, très fatigué.